Passer de la forte dépendance aux importations à une production locale appelle inéluctablement des mutations structurelles. C’est la conviction des des acteurs de la distribution, indépendants comme majors.
« Il faudrait que cette découverte balise les graines d’une croissance durable. Cela nécessite de la transparence, pour éviter la malédiction du pétrole. Il faut des règles de transparence parce que la ressource humaine est là», alerte Ameth Guissé (ASP) qui dirige une vingtaine de petites sociétés de distribution. Mais pour Babacar Tall, il y a une question cruciale à se poser. «Que faire de ce pétrole ? Pour imager, la manne pétrolière est comme un médicament, bien utilisé, il guérit ; mal utilisé, il peut devenir un vrai poison», estime le patron de l’ASPP qui prend l’exemple de la Norvège.
Ce pays a fait un usage de «bon père de famille» de ses ressources pétrolières. Contrairement au Nigeria ou l’Angola ou le Congo où le pétrole s’est transformé en véritable cauchemar. «Le pétrole n’a jamais été une malédiction, c’est plutôt une chance. La malédiction vient de la mauvaise gestion que les Etats en font et de la cupidité des dirigeants. Face à la manne pétrolière, nos dirigeants peuvent avoir tendance à penser que les gisements sont inépuisables. Dès lors, il s’installe un esprit de rentier avec des recettes pétrolières représentant l’essentiel des revenus du pays. Les dirigeants n’ont plus aucune stratégie et leur état d’esprit de rentier étouffe toute diversi cation et innovation dans l’économie, tuant ainsi l’esprit d’entreprise. Cette manne, si elle est mal répartie et utilisée à mauvais escient, aggrave les inégalités et crée un cercle vicieux avec toutes ses conséquences dommageables: corruption, laxisme, népotisme, mouvement sociaux et politiques… guerre. Inspirons-nous de la Norvège et de l’Arabie Saoudite récemment, pour créer un fonds souverain», avertit-il.
La relance de la SAR, une surpriorité
Si produire du pétrole est une chose, le raf ner en est une autre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que même si le Sénégal dispose d’une raf nerie, force est de reconnaitre qu’elle est loin d’être au standard international. Ce qui fait dire à Mouhamed Seck (Sahel Distribution), par ailleurs Secrétaire Général de l’ASP, que sans la SAR, les indépendants n’existent pas. «Le schéma normal, c’est la SAR qui importe le brut, le raf ne, nous le donne et que nous amenons dans nos stations. Il faut que le pétrole découvert pro te d’abord aux nationaux. Pour cela, il faut que la SAR qui, aujourd’hui, importe tout le brut, arrête les importations et arrive à absorber le brut dont il a besoin avec ces découvertes. Ceci pose le problème de la réhabilitation et du rééquilibrage de la SAR. Il faut qu’elle se mette à niveau. La SAR vient d’atteindre un million 100 mille barils et pour qu’elle soit rentable, il faut aller jusqu’à 3 à 4 millions de barils l’année. Si elle y arrive, le Mali, la Gambie… ne seront plus obligés d’aller chercher leur pétrole ailleurs», plaide- t-il.
Quant à Jorge Fernandes (API), le premier à avoir ouvert une station après la libéralisation du secteur, il suggère que les Sénégalais soient informés. «Il faut savoir raison garder. La production, le chargement, tout se fera en pleine mer. Il faut que les jeunes s’intéressent à la question de l’exploration et, plus tard, travailler dans cette dynamique», conseille-t-il.